Si je choisis ici d’écrire sur une victoire de la filière du végétal français, suite à la suspension le 10 avril 2024 par le Conseil d’État d’un décret visant à interdire l’utilisation de dénominations couramment associées à des mets à base de viande pour désigner les produits à base de protéines végétales, comme « steak de soja » ou « saucisse végétale », je pressens et j’entends déjà les cris d’orfraie déclenchés au sein d’une frange d’une Sologne conservatrice. Si je veux toutefois me couper des seules préoccupations solognotes et faire ouvrir les chakras, je parlerai volontiers d’un univers, en dehors de la chose politique, qui m’a toujours attiré par sa singularité. Par sa liberté et légèreté, pas du tout sinistre. Cette obsession musicale de l’instant. Le blésois Mirq ? Mené par le chanteur Julien (Mirq), c’est un groupe super cool, dont nous parlons dans ce journal, plus loin, mais non. Alain Souchon ? Non plus, nous en avons déjà bavardé dans notre précédente édition. Jacques Brel ? Non encore, bien que l’habitant de Pontlevoy, Gérard Saurat, vient d’en écrire un intéressant dictionnaire; nous lui consacrons ainsi, aussi, un papier dans ce numéro. Nada sur la malheureuse ritournelle armée de Kendji Girac.
Mais rien n’empêche de travailler et d’écrire dans le Loir-et-Cher et en Sologne, au milieu d’une terre d’asperges et de champignons, d’agriculteurs et viticulteurs, de chats et chiens, de cerfs et de sangliers, et dans ce même temps, de ne pas manger d’animaux, d’aimer Dior, Jacquemus, Moschino, Cannes, Stephen king et Leila Slimani, et d’écouter de la pop musique US ! Le 21 avril, chez Laurent Delahousse, juste après le traditionnel JT du dimanche soir, sur France 2, le romancier Marc Lévy a d’ailleurs déclaré : « Écrire, c’est ouvrir une porte et entrer sur un chemin de liberté. » De fait, si j’ouvre cette cage aux oiseaux lettrés, mon phrasé cette fois s’attardera, pour changer, sur des paillettes et la marotte artistique de ce printemps, supplantant les Beyoncé, Katy Perry, Madonna, Christina Aguilera (et les dévoués Fighters), Miley Cyrus, Ariana Grande (qui a pourtant rédigé il paraît son dernier tube “We can’t be friends” en vingt minutes), et consorts. Sur un autre CD nommé désir, très loin donc de la sphère stricto-sensus locale, j’ai désigné : Taylor Swift !
Pas très original, puisque tout le monde, ou quasi, parle de la chanteuse américaine et diffuse ses mélodies entraînantes en boucle. Comment passer à côté de ce phénomène féminin ? Qu’on aime ou pas, carrément, impossible, même en vivant dans le centre de la France rurale. Le travers de ces feux de projecteurs braqués en permanence sur la trentenaire Swift, désignée personnalité de l’année 2023 pour Time Magazine, c’est qu’à force de répétition, cela aurait tendance à provoquer l’effet inverse escompté. Celle qui nous paraissait sympathique et fascinante pourrait vite inspirer chez certains, asthénie, lassitude, désintéressement… Voire pire : agacement !
Il n’empêche que cette nana-là, c’est certain, derrière ses débuts de gentille petite-fille qui chantait romantiquement, sans trop montrer son nombril, de la country sur le modèle de son idole, Shania Twain, a du chien, a grandi avec génie. Ces clips sont désormais esthétiquement léchés, et elle écrit ces textes-paroles. Son tout nouvel album, « The Tortured Poets Department », dans les bacs depuis le 19 avril, continue de surfer sur ce qui lui crée recette et milliards : les états d’âme et de cœur (amours et ennemis) d’une poétesse des temps modernes qui sait mettre l’ensemble harmonieusement en mots et musique. Portée par sa jeunesse, elle multiplie en sus les conquêtes masculines. À moins que son dernier « crush » (béguin en français) soit le bon, c’est-à-dire le footballeur américain, superstar également, Travis Kelce.
Une personnalité qui plus est influente politiquement, au point que cette artiste effrayerait Donald Trump, par sa capacité d’emmener là où elle le souhaite ses fidèles fans, les Swifties. Une telle situation d’omniprésence, pour ne pas dire d’ubiquité, qu’il serait presque possible d’interroger : l’héroïne Taylor Swift pourrait-elle sauver le monde ? Son public, pour la partie qui a eu la chance de décrocher un billet pour l’applaudir en France ces mois de mai et juin sur les scènes de Paris-la Défense et Lyon, connaissent sans aucun doute mieux ces dates … que celle du 9 juin 2024, dimanche des élections européennes qui ne sont, elles, guère une obsession française. Sauf peut-être si le scrutin se prénommerait Taylor ?
Émilie Rencien