Marie du Berry continue à se mobiliser pour sauver le domaine du Grand Meaulnes


Après s’être adressée à Stéphane Bern, c’est maintenant vers la ministre de la culture que Marie du Berry se tourne afin que le Grand Meaulnes ne soit pas oublié.

« Par la lettre ouverte du 8 novembre à Stéphane Bern alias Monsieur Patrimoine, je lançais un cri d’alarme pour sauver le Domaine mystérieux du Grand Meaulnes. Un mois après, c’est au tour de l’Ecole du Grand Meaulnes de lancer son cri de détresse, elle va devoir fermer ses portes au printemps prochain. Stéphane Bern m’a répondu par l’intermédiaire de Mélanie Pradalier, journaliste à la Voix du Sancerrois qu’il « soutenait mon initiative et qu’il relayait l’information auprès des réseaux sociaux mais qu’il fallait une demande officielle de classement auprès du ministère de la Culture », ce que je ne peux faire toute seule.
J’en appelle donc à vous, madame la Ministre, qui, à l’arrivée à votre poste, avez précisé que vous vouliez avant tout, FAIRE… Ici, je tente de « faire » avec mes moyens. Pourquoi ne pas se mobiliser à votre initiative avec la participation des élus, vous madame et messieurs les députés du Cher, vous messieurs les présidents du conseil régional du Centre-Val de Loire et du conseil départemental et vous, messieurs les grands patrons du Cher, autour d’un thème fédérateur axé sur Le Grand Meaulnes qui fait partie de notre patrimoine national et international, il pourrait redonner de la force à notre région qui est en voie de désertification comme toutes celles de la France profonde.
La Loire à vélo a démontré que l’on pouvait inverser la tendance ; c’est devenu une formidable réussite touristique et économique, la Route du Grand Meaulnes pourrait s’y raccorder et être un de ces chemins, qui irriguerait du nord au sud, la partie de la région Centre la plus déshéritée. Cette Route du Grand Meaulnes doublerait ainsi la plus vieille route touristique de France la Route Jacques Cœur et lui insufflerait un nouveau souffle. On va me rétorquer que le Grand Meaulnes, c’est fini, obsolète qu’on va un jour le sortir des manuels scolaires. Si nous ne manifestons pas notre volonté de faire vivre un terroir qui a vu naître un des romans les plus connus au monde, (traduit en 37 langues), alors quid des symboles qui font rayonner la France à l’étranger ?
Lors des fêtes du Centenaire du Grand Meaulnes en 2013, j’ai pu démontrer par mon humble action auprès des maires de Sologne et des collectivités locales qu’il était possible d’agir dans ce sens. En effet, des centaines de personnes ont suivi nos journées littéraires (je me souviens même d’une jeune Chinoise qui a brandi son exemplaire en chinois) et d’autres manifestations qui ont fleuri dans toute la région et à travers la France entière. La preuve, un éditeur suisse (Y.Martina) vient de publier un recueil où il reprend tous les illustrateurs du Grand Meaulnes connus à ce jour.
Dans l’attente et l’espoir que nous pourrons ensemble cultiver l’avenir avec pour phare Le Grand Meaulnes, permettez-moi, madame la Ministre, de vous transmettre, ainsi qu’à vous tous, mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour 2018. »

Marie du Berry

 

Pour rappel la lettre ouverte adressée à Stéphane Bern

« Monsieur Patrimoine
Cher Stéphane Bern,
Sauvons le Domaine mystérieux du Grand Meaulnes et par la même occasion en écartant les branches, les haies « plaissées » du Pays Fort.
Contrairement à la polémique qui a enflé suite à votre nomination par le Président de la République au poste bénévole de monsieur Patrimoine, qui va vous permettre de recenser et de voler au secours de notre patrimoine rural national, je me réjouis que ce soit vous qui allez prendre cette responsabilité car vous sillonnez suffisamment la France pour savoir combien notre patrimoine tombe en déshérence et que vous serez efficace car vous avez la passion.
En tant que défricheuse de sentiers littéraires, animatrice et écrivaine, pendant près de vingt ans, j’ai animé des balades littéraires Dans les pas du Grand Meaulnes et à chaque fois, je me suis heurtée à un mur quand j’ai voulu montrer le Domaine mystérieux. Le propriétaire actuel laisse s’enfoncer dans l’oubli et la décrépitude, une des plus importantes abbayes cisterciennes du Berry qui a servi de modèle pour le Domaine mystérieux du Grand Meaulnes et qui fut aussi la nécropole des Sully.
J’ai eu une lueur d’espoir quand j’ai reçu en 1999 le prix coup de cœur aux côtés de l’Hermione et du château de Talleyrand à Valençay, au Salon National des Vacances en France dont le thème était les personnages célèbres, pour mon weekend à thème en chambres d’hôtes Dans les pas du Grand Meaulnes. J’ai pu un temps, grâce aux gardiens qui m’en avaient donné l’autorisation, aller déjeuner sur l’herbe avec mes hôtes au pied du Domaine mystérieux.
Depuis 15 ans, c’est fini, on ne peut même plus regarder, on vous envoie les chiens. Sans me vanter, après avoir créé l’association Les Amis de Marie du Berry en 2002, j’ai emmené des centaines de personnes (groupes de tout horizon), qui ont mis leurs pas dans ceux d’Alain-Fournier et du Grand Meaulnes. Nombreuses ont été les personnes qui n’ont pu contempler que de loin, le célèbre Domaine enchanté du Grand Meaulnes, interdit d’accès, elles ont voulu nous apporter leur soutien et témoigner de l’état de délabrement, (des arbres poussaient sur la façade), en exprimant leur révolte mais que pouvions-nous faire face à un propriétaire privé, mutique et intraitable ?
Et pourtant en 1966, la Fête étrange, une séquence du film d’Albicocco Le Grand Meaulnes a été tournée sur les lieux à l’abbaye de Loroy et le propriétaire de l’époque avait fait de nombreux aménagements, crépis, toitures. Depuis, à part avoir muré les fenêtres pour éviter le vandalisme, la propriété étant en indivision, les bâtiments sont en péril, la partie du XIIIe siècle s’est écroulée, le clocheton est tombé et le cloître classique envahi par les arbres. D’après Paul Carves, chef du service territorial de l’architecture et du patrimoine du Cher qui s’est mobilisé lui aussi sans succès, il y a urgence, il faudrait mettre le bâtiment hors d’eau.
Lors du Centenaire du Grand Meaulnes, en 2013, que nous avons commémoré activement, en Sologne, Michel Désir le maire de Méry-es-bois de l’époque, (commune sur laquelle se trouve l’abbaye de Loroy) a interpellé le propriétaire afin qu’il nous permette de faire une lecture sur les lieux, il a bataillé pendant un an et jamais, il n’a pu avoir une seule entrevue avec le propriétaire qui a fait la sourde oreille.
Face à l’indifférence et au cynisme de ce propriétaire qui laisse disparaître un tel patrimoine littéraire et historique et devant l’impuissance du monde politique et des pouvoirs publics, la DRAC s’est saisie du dossier depuis avril 2015, a rencontré enfin le propriétaire mais comme rien ne bouge, il est temps de mener la fronde pour que ce monument ne meure pas, je sens que vous allez être sensible à cette cause. L’abbaye de Loroy est inscrite à l’inventaire des monuments historiques mais pas classée. On pourrait peut-être commencer par là.
D’autre part, si nous voulons conserver à ce pays du Haut Berry, son aspect secret et mystérieux, nous sommes au pays des mages et des sorciers, je voudrais vous entretenir aussi des haies plaissées (plantées surtout de charme, arbre plus flexible). Autrefois, afin de faire une véritable barrière végétale pour garder les bestiaux, les jeunes tiges des branches étaient entaillées et ployées de manière à ce qu’elles puissent pousser horizontalement pour faire un véritable rempart. J’en ai recensé plusieurs sur la commune de Villegenon, très anciennes. Elles aussi, sont en danger, elles ne sont pas à l’abri de fous de la tronçonneuse qui vont anéantir en quelques heures, des siècles de ce magnifique patrimoine végétal vivant. J’ai alerté le maire de cette petite commune qui se trouve tout disposé à soutenir cette action et à participer à un classement de ces haies ancestrales.
Dans l’attente de votre venue sur le terrain, j’ai déjà pu emmener sur les lieux il y a quelques années, « en faisant le sanglier » c’est-à-dire traverser des bouchons d’épine, une journaliste de France Culture et une équipe de télévision de France 2 qui a filmé le Domaine mystérieux, « en écartant les branches » comme le disait de son pays, Alain-Fournier, de même que de nombreux journalistes qui ont été sensibilisés à ce combat de sauvegarde du patrimoine littéraire ; comme le journal du Berry Républicain qui a maintes fois alerté l’opinion publique et plusieurs hebdomadaires dont La Vie, votre nomination à ce poste m’encourage à nouveau à ne pas désarmer. Avec votre renommée et votre implication, totale quand vous êtes convaincu, vous serez peut-être celui qui sauvera enfin ce site exceptionnel, d’avance merci et veuillez croire, en mes encouragements les meilleurs. »

Marie du Berry

 


Quelques anecdotes peu connues concernant Alain Fournier

Alain Fournier naquit à la Chapelle d’Angillon, dans le Cher. Après le baccalauréat, il prépare au lycée Lakanal, le concours de l’école normale supérieure.
Sa vingtième année fut illuminée par la rencontre d’une jeune fille qu’il n’oublia jamais.
En 1913, il publie « Le Grand Meaulnes », son unique roman car il fut tué dans les premiers jours de la guerre de 1914 près des Eparges .
Il aimait son Berry, voici par exemple un extrait qui montre combien il connaissait sa petite patrie :
– « Que les bords du Cher étaient beaux ! Sur la rive où l’on s’arrêta, le coteau venait finir en pente douce et la terre se divisait en petits prés verts, en saulaies séparées par des clôtures, comme autant de jardins minuscules. De l’autre côté de la rivière, les bords étaient formés de collines grises, abruptes, rocheuses et sur les plus lointaines, on découvrait parmi les sapins, de petits châteaux romantiques avec une tourelle. Au loin, par instants, on entendait aboyer la meute du château de Prévéranges ! »
Voici un extrait d’un texte peu connu de Hugues Lapaire, écrit en 1927, dans lequel il nous parle d’Alain Fournier :
– « J’allai voir Alain. Il habitait le quartier de l’observatoire dans une de ces rues paisibles et solitaires qui font songer à nos vieilles rues de Bourges. Je le trouvai dans son petit studio, simple, coquet, où régnait l’ordre et la propreté. Quelques toiles d’impressionnistes coloraient les murs de leurs tonalités audacieuses. Le reste du logement était plein de livres. Il était assis à sa table de travail et tout vêtu de noir.
La lueur jaunâtre d’un jour d’automne maussade filtrait de la fenêtre sur son doux et pâle visage.
Il avait les cheveux lisses, très bruns, une fine moustache, une certaine ressemblance avec BARRÈS…
Il fixa d’abord sur les miens ses grands yeux de franchise. Ce premier sondage me fut favorable mais le véritable trait d’union entre nos sympathies ce fut certainement l’acuité des « é », le déroulement des « r » qui sont les caractéristiques de notre accent berrichon…
Voici les quelques lignes qu’il m’écrit après la réception d’un envoi de livres que je lui fis :
– « Merci infiniment pour vos livres. Chaque fois que je les ouvre, je retrouve cette délicieuse impression de mon adolescence. Je me rappelle le train qui m’emmenait en vacances. »
… Cinq années plus tard, je retournai rue Cassini pour m’acquitter d’une douloureuse mission dont m’avait chargé la société des gens de lettres : j’allai remettre au père d’Alain Fournier la médaille commémorative des écrivains morts pour la patrie. »
– « Et voilà, » disait le Grand Meaulnes, « notre aventure est finie. L’hiver de cette année est mort. »

André Voisin