Nous sommes tous, ou presque, des immigrés


Pour sûr, si on pouvait faire remonter tous les arbres généalogiques plus régulièrement au-delà du 16e siècle, nous n’en serions certainement pas là. Quelques chanceux vont plus loin, mais c’est très rare. On découvrirait alors que, du côté du cousin Marcel, de la tante Germaine et de l’aïeule Gertrude, tout n’est pas aussi net-net qu’il n’y paraît au premier abord. C’est d’ailleurs ce que démontrent régulièrement les test ADN ludiques actuellement sur le marché. La pratique est interdite en France, on se demande bien pourquoi. Vous pouvez vous secouer comme vous voulez, européen à 100% ça n’existe pas. Comme les premiers Sapiens-Sapiens n’en avaient rien à faire des continents, une certitude, si on n’a pas quelque chose de Tennesee, nous avons tous quelque chose d’ailleurs…
Il m’aura fallu attendre le cap des soixante balais passés pour apprendre/comprendre – enfin ou déjà, c’est selon si l’on pense RN ou LFI- qu’on est issu d’une immigration économique. Attendre soixante ans pour s’entendre dire, amicalement, sans conotation péjorative, sans jugement, sans même une pointe de racisme, sans animosité  » ta grand-mère était Berrichonne mais comme ton grand-père était portugais. Tu es un petit-fils d’immigré alors … ». C’est con mais ces soixante années s’étaient plutot bien passées jusque là! Cette notion de venu d’ailleurs n’avait jamais effleuré l’esprit de votre serviteur. Même mon pôte d’école maternelle, Miloud, ne me l’avait jamais dit. C’est de l’autre côté de la Méditerranée qu’il puise ses origines. Pour lui non plus, ça n’a jamais posé de problèmes jusqu’à maintenant, ni entre nous, ni avec d’autres de la même génération. Probablement une tare de plus de la période baby-boomers. Et chacun d’espérer que ça dure encore un moment comme ça…
C’est sous ce nouvel éclairage que la loi immigration, qui serait la 22e depuis 1990, ce qui nous en fait pile poil une loi tous les 18 mois, en discussion dans les méandres du parlementariat, interpelle. On va en causer, d’abord au Sénat, chez les vieux barbons conservateurs élus au suffrage indirect, et ensuite à l’Assemblée nationale, là où aucune majorité ne s’est définie au suffrage direct. On peut juger le parcours imparfait, certes. Du moins, il reste pour le moins démocratique. Par les temps qui courent, on ne va pas trop s’en plaindre. Dans un pays très souvent traversé par le passé, par des Ostrogoths de toutes latitudes en passant par les Huns et les autres, dans un pays occupé par les Francs d’hier, et les Français de maintenant, une loi nouvelle donc pour légiférer qui pourra rester dans l’Hexagone ou pas, ça ne peut pas gêner. Ca fait plaisir aux populistes, aux frontistes primaires, aux sciaphobes de tous âges. Nos élites vont se faire un immense plaisir pour surfer sur une vox-populi biberonnée au système binaire des gentils et des méchants. Les uns venus de l’autre côté de la Méditerranée, les autres du bord du Prout ou du Danube.
Pourtant, c’est un fait avéré et non une fake news de chaînes d’infos en continu, l’immigration répond à une nécessité démographique et économique, tout comme la Terre est ronde et Trump un âne bâté. Même l’Italie de Giorgia Meloni, pas tout à fait à le pied gauche de la botte, ou la Hongrie de Viktor Orban, un autre extrêmiste de gauche notoire, sont d’accord sur le sujet. Et puis, si le Vendéen LR Bruno Retailleau est contre, l’article qui permet de conserver les travailleurs dans les secteurs de travail tendus est tout de même vachement bien. Dans les entreprises, tout sera en flux tendu, du matériel à l’humain. C’est comme pour une certaine marque de mouchoirs en papier. Tu prends, tu utilises et tu jettes quand tu n’en as plus besoin . Un peu comme les familles des mineurs Polonais de l’après dernière guerre, la silicose en moins … On avance, on avance.
C’est pas tout ça mais j’espère que le livreur Uber de ma pizza d’une marque associée, en situation irrégulière donc (sinon il ne travaillerait pas pour des clopinettes et sans régime social), va bientôt arriver. Manquerait plus qu’il ait un accident… avec la suppresion de l’AME – pour une réduction des dépenses de 0,5% du budget de la Sécu – à moins qu’il soit en position de mourir sur place, je ne serais pas servi avant un moment !

Fabrice Simoes