Et si toutes les statues tombaient


Au nom d’une bien-pensance poussée au paroxysme par la morale puritaine, des statues d’esclavagistes avérés ont été déboulonnées. Comme les icônes staliniennes fondues de l’ex-URSS, comme les idoles de Saddam Hussein abattues en Irak, comme les swastika jetées au bas du Reichstag, le général Lee et son cheval à Charlottesville sont dans l’œil du cyclone. Chez nous, Colbert est visé. Chez Donald et Mickey, Christophe Colomb, découvreur officiel de l’Amérique, n’est plus que la figure emblématique du génocide Amérindiens … Les déboulonneurs n’ont pas tout faux. Si l’on met en cause le Depardieu de 1492, c’est vite oublier que les ancêtres de ceux-là mêmes qui poussent des cris d’effraies ont participé à Wounded Knee, justifié la Longue marche Navajo, et placé sur un piédestal l’autre imbécile de général Custer ou son compère Philipp Shéridan celui de « un indien mort est un bon indien ».
À la lumière de la suppression temporaire de « Autant en emporte le vent » du catalogue HBO, brûlons les quelques 150 épisodes de « Shérif fais moi peur » et avec la Dodge des frères Duke. Vouer aux gémonies un film à 10 oscars, et l’un des plus gros succès du cinéma américain, tandis que le courage des défenseurs de Fort Alamo est encensé, c’est faire un raccourci préjudiciable à la réalité des choses. C’est oublier que le Texas est directement allé à la case Anschluss sans passer par celle « Accord de Munich ». Les deux films font, à leurs manières, pourtant du révisionnisme.
Abraham Lincoln, celui qui trône encore en majesté à Washington, a écrit, deux ans avant le début de la guerre de sécession, un discours qui illustre bien la pensée du moment. « … Il y a une différence physique entre la race blanche et la race noire qui interdira pour toujours aux deux races de vivre ensemble dans des conditions d’égalité sociale et politique » avait-il prononcé à Colombus. À l’attention des historiens, il est bon de souligner que l’ensemble des états de l’Union, les gentils qui ont fini par gagner, parce les méchants Sudistes n’étaient pas assez nombreux (sinon la guerre de Sécession aurait cessé c’est sûr), n’étaient pas abolitionnistes. Le film « Glory » d’Édouard Swick, oscarisé lui aussi, est aussi l’un des reflets du conflit. Et comme tout n’est ni blanc, ni noir, le 54e régiment du Massachusetts, régiment d’afro-américains, est commandé par des … blancs.
Reconditionnement de l’Histoire oblige, les statues de l’empereur Napoléon peuvent rester et celles de Bonaparte choir de leurs socles. Le premier consul a légalisé l’esclavage pourtant aboli par la Convention … Dans l’espace public, on pourrait privilégier des représentations de Toussaint Louverture, le libérateur de Saint-Domingue auto-proclamé gouverneur à vie, envoyé se les geler au Fort de Joux, dans le Jura.
L’édification du QCM en référence des connaissances générales, le manque de discernement et de réflexion, font des ravages. Si on pousse le bouchon plus loin, si on veut ressembler à un blérot du fin fond du Middle West, du passé faisons table rase. On reprend tout à zéro, valeur du QI de la plupart de ces bulots démonteurs de stuc, de plâtre, de marbre ou de bronze.
Envisager de ne pas être raciste c’est aller plus loin que d’avoir « une amie Tchadienne plus noire qu’une arabe … » comme l’a suggéré ineffable l’ex-secrétaire d’état chargée de la famille et de la solidarité, Nadine Morano.
Au lieu de jeter le bébé avec l’eau du bain, on peut aussi s’intéresser à notre planète, à ses cultures, aux peuples qui l’habitent. L’ouverture d’esprit n’est pas une tare et si réfléchir « c’est commencer à désobéir » il est plus que temps que le monde désobéisse enfin !

Fabrice Simoes