L’imprimerie Rollin de Blois n’a pas survécu à la crise, en général


Il est toujours triste quand on a vécu plus de 50 ans autour de l’imprimerie traditionnelle de voir une maison fermer, en l’occurrence celle qui porte depuis plusieurs décennies, en Loir-et-Cher, le nom de Rollin…
Le marteau de Me Guillaume Pousse-Cornet, commissaire-priseur à Blois, a sonné le glas de l’un des fleurons de cette industrie locale qui avait, déjà, vu partir l’usine Cino Del Duca, devenue Québécor, à Blois, et bon nombre d’autres unités plus artisanales, de toutes tailles, partout ailleurs dans le département.
Créée à Contres par Monique et Jean, et bien vite à l’étroit, la maison Rollin était venue s’implanter au 21 de l’avenue Maunoury à Blois avant d’effectuer un grand saut de puce vers l’ancienne caserne des sapeurs-pompiers dans la même artère.
Puis fin des années 90 et début des années 2 000, le fils, Antoine, ayant pris la relève, le vaisseau s’ancra dans la nouvelle zone blésoise des Onze-Arpents, entre une polyclinique et un complexe cinématographique, avant de connaître des heures de gloire plus fastueuses les unes que les autres. Jusqu’au moment où l’informatique, les nouvelles techniques et technologies, les dernières formes de tirages, les ordinateurs particuliers qui transformaient tout en chacun en Gutenberg génial, condamnèrent, non pas à la peine capitale, mais à une mort lente et inéluctable, l’imprimerie de Papa et Grand-Papa…

Moins de 60 000 euros aux enchères

Antoine Rollin tenta tout ce qu’un capitaine d’industrie honnête pouvait assumer pour sauver le navire et son équipage, en suivant pendant plus d’une décennie un plan draconien de remboursement de la et des dette(s) pour, finalement, jeter l’éponge. Malgré des contacts sérieux avec quelques professionnels, sur place, et même dans la Sarthe, le plan de liquidation judiciaire a eu raison de son courage et de ses engagements. Plusieurs secteurs de l’imprimerie ont été cédés et les derniers éléments ont été dispersés aux enchères pour recueillir la modeste somme de 55 660 euros (TTC, dont 14,28% de taxes), ce qui est bien peu par rapport à la valeur de l’entreprise à une certaine époque et de ce qui était devenu un bilan négatif.
«C’est la dure loi des affaires et du marché. J’ai été à deux doigts de conclure une reprise avec mon confrère Gilles Fouquet d’ITF de Mulsanne dans la Sarthe, mais le temps nous a manqué et son plan de sauvetage n’a pas été retenu, en relation avec une autre imprimerie blaisoise. Les 40% du marché perdus avec les confinements successifs et la crise, en général, nous ont aussi tué, dès 2020. Cela n’empêche pas ITF de s’installer rue Claude-Bernard à Blois et trois salariés d’ici ont, déjà, été repris» explique Antoine Rollin, visiblement aigri et KO, mais qui fait face, encore, car il n’a pas failli. Il espérait, simplement, un autre avenir pour son entrée dans la soixantaine…
L’imprimerie ISF de Blois a acheté le fichier-clients, sous le contrôle de Me Hubert Lavallart, après appel d’offres, et les immenses bâtiments de la rue des Onze-Arpents, ancienne propriété de la famille Rollin, avaient, déjà, été acquis par la société d’économie mixte Territoires Développement, avec loyer. Dure loi des affaires : Antoine Rollin devenait, ainsi, locataire du bien dont il avait été propriétaire…
On se trouve, là, face à une vraie saga avec ces péripéties et rebondissements, qui pourraient constituer la base d’un roman plus ou moins noir. Comme la couleur basique des livres et journaux, avec un petit parfum de souffre, d’énigmes financières et de guerre économique qui prouvent que, même si elle se modernise, l’imprimerie a encore de beaux jours devant elle dans l’histoire française. Avec ou sans rotatives…Mais toujours avec cette odeur d’encre dont aucun(e) de celles et ceux qui ont consacré leur vie à cette activité ne pourra oublier. Et ça, on ne le retrouvera jamais en sniffant un écran d’ordinateur…Même avec beaucoup d’imagination ou après un «chichon» de…canard!

Jules Zérizer